En entrant dans la ville de Dreux, notre petite rivière la Blaise se divise en trois bras : l’ancienne Blaise ou des Bléras (du stade aux Châtelets en passant par St-Martin, St-Denis et les Bléras pour atteindre l’Eure aux Osmeaux), le bras de l’écluse canal apportant l’eau de la Blaise dans les douves entourant la vieille ville et le bras de la Commune (de St-Thibault au pont Louis-Philippe en souterrain, puis canalisé jusqu’à l’Eure).
Ce n’est pas la Blaise que l’on voit serpenter au centre-ville de Dreux mais des fossés creusés par les Drouais, dans lesquels coule cependant de l’eau puisée dans la Blaise.
Dreux devenue, depuis le XIème siècle, forteresse du royaume de France face au Duché de Normandie, s’entoura de murailles longées de profonds fossés. En cinq siècles, la ville et son château ne subirent pas moins de six sièges d’armées hostiles dont trois se terminèrent par pillages et destructions.
En cas de danger, les fossés défensifs étaient remplis d’eau par déversement du ruisseau de la Commune au moyen d’une bonde se trouvant à la hauteur de la place actuelle du palais (la Commune étant couverte à cet endroit). La place « de la bonde » (marché couvert) en garde le souvenir.
Après l’assassinat en 1589 d’Henri III de France, roi sans postérité, le roi Henri III de Navarre devint prétendant au trône de France. Or, de nombreux Français sympathisants de la Ligue ne voulaient pas d’un roi protestant. Les Drouais étaient de cet avis. C’est pour cette raison qu’en 1590, le futur Henri IV assiégea Dreux, ville verrou entre la Normandie et Paris. Mais au bout de quelques jours, les troupes du Navarrais levèrent le siège ne voulant pas être prises en tenaille par une armée de la Ligue supérieure en nombre, arrivant de Mantes. Le futur Henri IV marcha à sa rencontre et, grâce à son panache blanc, la mit en déroute à Ivry (La-Bataille).
Les Drouais furent heureux de ce départ précipité, mais craignirent que ce prétendu roi de France non couronné ne revienne se venger. Ils étaient très inquiétés par le grave incident apparu pendant le siège : Le ruisseau de la Commune, détourné par la bonde pour remplir les douves, n’arrivait plus à fournir en eau le canal creusé pour rendre la Blaise navigable jusqu’à l’Eure (bras utile). Afin de mettre les fossés défensifs en eau de façon permanente, les Drouais effectuèrent en moins de quatre mois des travaux importants pour l’époque.
Un canal de près d’un kilomètre fut creusé pour détourner une partie de l’eau de la Blaise « Naturelle » vers les fossés défensifs. Débutant derrière le stade (sous le pont Jean Hieaux), contournant la place Mésirard, cette blaise « artificielle » débouche dans les fossés à la hauteur de la bonde devenue inutile.
Ces travaux furent inefficaces car, en juin 1593, Henri IV revint à Dreux pour détruire la ville (dont le « Bourg Clos ») après onze jours de siège et raser le château. Pure vengeance, car moins de six semaines après la destruction inutile d’une belle forteresse du XIIème siècle, le Navarrais abjurait la foi protestante et se faisait couronner à Chartres, en février 1594, roi de France. Les murailles de la ville, n’ayant plus raison d’être, tombèrent peu à peu en ruine dans les douves et disparurent complètement au XVIIIème siècle. Les douves perdirent alors leur rôle défensif et devinrent l’un des ornements de la ville de Dreux en devenant un bras de la Blaise.
Dans 15 jours nous suivrons la Blaise « utile ».
PIERLOUIM