L'Enfant dans le taxi, Sylvain Prudhomme, éditions de Minuit, 2023.
À la mort du grand-père Malusci, un secret trop longtemps gardé refait surface. Un héritage fait de non-dits. Le narrateur, son petit-fils, se lance à la recherche de ce fils caché, cet enfant dans le taxi, pour connaître et reconnaître ses racines. Tout d'abord fantasmée, la véritable histoire prend peu à peu les contours du réel grâce à certaines personnes de la famille qui se font complices de cette (en)quête. En pleine séparation d'avec sa femme, c'est accompagné de ses propres enfants que le narrateur se lance dans une expédition un peu farfelue, comme pour se donner le courage d'aller au devant de la vérité. Ils iront jusque sur les bords du lac de Constance où est née l'idylle du grand-père avec « l'Allemande du lac », à l'époque de la Libération. Mais il lui faudra revenir pour trouver celui qu'il cherche, un morceau oublié du puzzle familial, un morceau de soi.
L'écriture est fluide et aérée, la ponctuation sporadique comme pour mieux suivre les idées et entrer dans la tête du petit-fils de Malusci. Les dialogues internes où se mêlent imagination et réalité, le fantasme au quotidien.
Les silences des pères, Rachid Benzine, édition du Seuil, 2023.
Une autre histoire de quête mais posthume. Celle du père, d'un père silencieux et taciturne. Pourtant lorsque son fils découvre une enveloppe contenant des cassettes audio toutes datées des quarante dernières années, c'est une voix qui résonne. La sienne. Mais le désaccord est trop grand pour ce musicien qui doit comprendre et réinventer la partition jouée entre eux alors qu'il était enfant puis adolescent et jeune adulte. Une découverte qui se fait par-delà la mort car impossible de son vivant. À la fois frustrante et apaisante pour l'orphelin, le lecteur découvre la vie d'un immigré maghrébin dans les années cinquante en France, telle qu'elle l'a réellement été. Avec ses injustices mais aussi la fraternité sans limite que seule la situation de se sentir tous fils d'un même pays peut faire naître. « La camaraderie du fond de mine ». Comme le dit un des nombreux camarades de son père dont le fils n'avait pas imaginé l'existence. C'est cette galerie de personnages que l'on rencontre, qui feront revivre ce père en lui racontant son histoire, une quête de plusieurs jours durant lesquels le pianiste mettra sa carrière sur pause, pour mieux écouter le récit que la bande son fait défiler. « Les vieux comme ton père ils ont voulu que toutes les souffrances, tout ce qu'ils ont subi, s'arrêtent avec eux. Ils voulaient vous en préserver. Pour que vous soyez libres de réussir votre vie, sans rancœur, sans amertume [...] C'est pour vous qu'ils ont tout sacrifié. La réussite de leur exil ce n'est pas la leur, mais celle de votre génération. Cette mémoire à transmettre, ce n'est pas pour nous mais pour les autres. Tous les autres. »
À travers un récit poignant, Rachid Benzine – que nous avons déjà rencontré à la librairie - souffle à l'oreille des vivants : écouter les silences des pères.
Ce qu'il reste à faire, Marie de Chassey, Alma éditeur, 2023.
Ce récit pourrait être le scénario d'un film muet. Des actes. Répétés, des gestes d'amour d'une mère pour sa fille malade. Car il n'est pas de mots pour décrire la souffrance de la maladie, l'horreur de voir son enfant dépérir sous ses yeux. Judith est une jeune adulte, elle est malade. Elle va mourir. Florence, sa mère, le sait. Alors elle va faire pour elle tout ce qu'il reste à faire. Des gestes de soignante, d'infirmière, qu'elle connait désormais par cœur. Elle qui s'occupe de sa fille et qui a transformé la maison en hôpital. Le peu de paroles échangées avec l'infirmier qui joue un rôle très important dans le quotidien des deux femmes. Une dédicace à ces personnes qui accompagnent elles aussi les familles dans le chemin difficile de la maladie. Et pourtant c'est un récit qui respire l'amour, dans ce qu'il a de plus instinctif et animal, les mots ne consolent pas autant que les gestes, le sacrifice est celui de faire ou ne pas faire. Florence elle cuisine. Trop. L'abondance de nourriture, comme pour se raccrocher au vivant, comme une mère louve nourrit ses petits.
À travers son écriture qui ne garde que l'essentiel qui est à voir, Marie De Chassey, scripte pour le cinéma, nous offre une belle lecture pour son premier roman.
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