Tout commence début 1643. Au matin du 7 janvier, Pierre un jeune hongreur se rendant à Louviers, entend des bruits étranges, des hurlements inhumains, des rires sadiques en passant près du couvent des Sœurs de Sainte-Elisabeth. Ils alertent les habitants alentours et rapidement on s'interroge. Que se passe-t-il au couvent ? Les sœurs sont-elles en danger ? Au fil des jours, les évènements se reproduisent et des rumeurs circulent : et si les Ursulines étaient à l'origine de ses cris ? et si elles étaient - le terrible mot est sur toutes les lèvres -possédées ? Sur les 52 soeurs enfermées au couvent plusieurs se déclarent habitées par des démons : Béhémot, Dagan, Encitif, Léviathan. Les femmes semblent en proie à des convulsions inexpliquées, des hallucinations. Elles parlent des langues inconnues et blasphèment pendant leurs « crises ».
Parmi elles, une jeune femme se détache : sœur Magdelaine Bavent. À peine âgée de 25 ans, elle affirme non seulement être possédée, mais aussi converser toutes les nuits avec le Diable ! Elle raconte que l'abbé Picard, en charge du couvent et décédé l'année d'avant, l'aurait entraînée dans des messes noires au cours desquelles des pactes avec le Malin auraient été signés. Selon elle, ce prêtre, que tout le monde croyait vertueux, serait en réalité un allié du démon, sacrifiant les âmes des jeunes nonnes à Satan. Très vite, ces accusations attirent l'attention des autorités ecclésiastiques. À cette époque la sorcellerie est prise très au sérieux et il n’en faut pas plus pour que les tribunaux s’en mêlent. Une enquête est ouverte. Les exorcismes commencent. Les prêtres, crucifix et eau bénite en main, tentent de purger les démons. Les scènes sont insupportables : les sœurs hurlent, se débattent, leurs voix se transforment en celles de créatures venues d’un autre monde. Leurs corps sont tordus de douleur et de terreur. Les spectateurs assistent, impuissants, à un spectacle macabre où la foi semble avoir cédé sa place à une pure horreur.
Les choses prennent une tournure encore plus sinistre quand des inscriptions étranges sont découvertes dans les cellules de la prison de Rouen où sont enfermées les possédées. Gravées sur les murs, ces phrases en latin décrivent des pactes démoniaques et semblent être les preuves d’une influence maléfique sur le couvent. Des témoins affirment avoir vu des ombres furtives, entendu des bruits inexpliqués, et même aperçu des flammes sortir du sol, comme si l’enfer était sur le point de s’ouvrir. La folie collective est en marche. Le procès des possédées devient un véritable cirque. Des centaines de personnes viennent voir les séances d'exorcisme, dans l'espoir de voir de leurs propres yeux les forces du mal à l’œuvre. Les nonnes accusées sont condamnées et leurs corps brûlés en place publique. Malgré ces sentences, l’agitation ne retombe pas.
En 1647, l’affaire des Possédées de Louviers prend fin, mais la ville resta marquée longtemps par ces événements. Que s'est-il réellement passé derrière les murs de ce couvent ? Était-ce une manipulation du prêtre qui abusait charnellement de ces femmes naïves lors de cérémonies sataniques ? Une hystérie collective ? Ou bien une véritable intervention du Malin ? Personne ne peut l'affirmer avec certitude. Mais une chose est sûre : l’affaire des Possédées de Louviers a laissé une empreinte indélébile dans les mémoires, un souvenir où la frontière entre réalité et cauchemar s'estompe jusqu’à se perdre. Le saviez-vous ? Le couvent n'existe plus aujourd'hui mais apparemment il était situé à l'emplacement de l'actuel Hôtel de ville.